Invalide à 90% et chômeur c’est possible!
Résumé
Par décision du 5 avril 2023, l’Office AI (ci-après OAI) a reconnu Sieur A invalide à 90% dès le 1er novembre 2021, ce qui lui ouvrait le droit à une rente à 100% ; l’OAI a également reconnu à Sieur A une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée. Avant de recevoir cette décision Sieur A s’était inscrit au chômage et avait été reconnu apte au placement dès la date où ses certificats médicaux attestaient d’une capacité de travail de 20% puis de 50%. Il avait ainsi touché des indemnités de l’assurance chômage. Néanmoins, le 30 mai 2023 l’assurance chômage a nié le droit de Sieur A à des indemnités de chômage à compter du 1er mai 2023 au motif qu’il était inapte au placement puisqu’il avait un degré d’invalidité de plus de 80% . Sieur A a contesté cette décision et, à la fin, le Tribunal fédéral (ci-après TF) lui a donné raison.
Le litige portait sur son aptitude au placement pour la période postérieure au 30 avril 2023, l’OAI estimant que Sieur A n’aurait pas fait la preuve de cette aptitude postérieurement à la décision lui attribuant la rente.
Le TF rappelle que l’aptitude au placement est composée d’un élément objectif (la capacité de travail) et d’un élément subjectif (la volonté et la disponibilité à se consacrer à un emploi). Il explique qu’une personne qui s’est annoncée à l’assurance invalidité est réputée apte au placement jusqu’à décision de cette assurance (voir art. 15 OACI). Il en découle que les exigences d’aptitude au placement sont réduites pour les personnes dont l’invalidité est reconnue ainsi que pour celles qui ont déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité. Selon la jurisprudence (8C_490/2010 C.4.1), la personne concernée doit avoir une disponibilité correspondant à 20% d’un horaire de travail complet. Enfin, l’article 40b OACI prévoit un calcul spécial du gain assuré des personnes qui subissent une atteinte à leur capacité de gain en raison de leur santé : il est calculé sur leur capacité de gain effective (également appelée capacité de gain résiduelle).
Il a été établi que Sieur A disposait d’une capacité résiduelle de gain de 50% dans une activité adaptée à ses limitations, que sa capacité de travail s’était légèrement améliorée entre octobre 2023 et janvier 2024, qu’il avait effectué un stage à 50% chez un employeur qui l’avait engagé en connaissance de cause via l’OAI et qu’il était disposé à accepter un emploi convenable. Le TF précise que le degré d’invalidité de 90% n’exclut pas automatiquement l’existence d’une capacité résiduelle de travail et, partant, l’aptitude au placement, car le degré d’invalidité est une notion économique (comparaison des revenus avec et sans invalidité) et non pas médico-théorique. À cela s’ajoute que, sous l’angle de l’article 15 al. 2 LACI, l’aptitude au placement de Sieur A doit être appréciée avec moins de rigueur que pour les autres assuré·es, en partant de l’hypothèse d’un marché de l’emploi équilibré et d’une certaine complaisance sociale de l’employeur.
Le TF expose également que la directive LACI, chiffre C29a, stipule que le droit aux prestations anticipées de l’assurance chômage prend fin lorsqu’un préavis de l’assurance invalidité indique un degré d’invalidité de plus de 80% ne lie pas les tribunaux et ne correspond pas à la situation de Sieur A. En effet, le litige ne porte pas sur une avance de prestations avant décision de l’OAI mais bien sur le droit de Sieur A aux prestations de chômage après la décision de l’OAI.
Enfin le TF affirme que lorsqu’une capacité résiduelle de travail de 20% est établie il n’y a aucun motif pour nier l’aptitude au placement en raison du seul taux d’invalidité.
Commentaire
La question de l’articulation entre le droit au chômage et le statut d’invalide se pose régulièrement sous différents angles et engendre beaucoup d’inquiétude et de questionnements chez les assuré·es, mal à l’aise de se présenter simultanément comme aptes au placement et invalides. Il faut saluer bien bas cette clarification du TF qui laisse la caisse de chômage gros Jean comme devant, mais déplorer à hauts cris une réglementation illisible pour les assuré·es et même si tordue que l’assurance chômage peut se croire légitimée à refuser ses prestations à des invalides aptes au placement.
Référence
8C_296/2024 du 23 avril 2025 (destiné à publication)